Citation de: punkos le 07 Janvier 2009 à 23:37
j'ai vu le lien sur le site , qui ne marche pas naturellement
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Introduction
La musique a toujours été considérée comme un fait social, c'est-à-dire un ensemble d'usages, de fonctions et de représentations intimement liés à la société qui les produit. L'ethnomusicologie, définie par Rouget en 1968 comme la « musicologie des civilisations 1) » prend en compte cette représentation sociale, mais aussi l'organologie et le langage musical produit (timbres, échelles, modes...). L'ethnomusicologie constitue une branche de l'anthropologie, et l'enrichit en apportant un regard complémentaire.
La différence fondamentale avec la musicologie stricto sensu repose sur la nature du corpus. L'ethnomusicologie est basée sur un collectage de terrain, ce qui implique la prise en compte du contexte sociologique dans lequel il s'inscrit. La musicologie s'appuie, elle, sur une musique « figée » sur des partitions, puis la rattache à un contexte. Dans le cas qui nous intéresse, il est difficile de se positionner. The Wall, et plus généralement ce que nous pourrons englober sous le qualificatif de musique actuelle (rock, rap, techno...), s'inscrit-elle dans une démarche musicologique ou ethnomusicologique ? Le corpus n'est pas « figé » sur des partitions, mais il l'est néanmoins lors des enregistrements en studio. En revanche, la notion de live, et donc de concert, est prise en compte, ce qui l'inscrit aussi dans une dimension temporelle, répondant à des manifestations sociales. Ainsi, si l'étude de la musique actuelle n'entre vraiment dans aucune de ces deux catégories, c'est qu'elle appartient probablement aux deux.
Le rock fédère autour de lui beaucoup d'individus qui trouvent en lui un moyen de se créer une identité et une façon de partager des émotions communes. Il évolue grâce, entre autre, au développement des moyens de diffusion et du phénomène des médias de masse : aux États-Unis (berceau du rock), la première station radio, KDKA, est fondée à Pittsburgh en 1920, et ouvre la voie à la télévision, qui se développe au cours de la décennie suivante. Il se décline sous beaucoup de styles différents : rock & roll, rock progressif, rock psychédélique... et devient l'un des porte-parole fédérateur de toute une génération contestataire 2). Son étude, pour conserver toutes ses ambiguïtés et ses richesses, se doit de s'inscrire dans une démarche compréhensive de la musique, se référant à la fois à la musicologie, l'ethnomusicologie et la sociologie.
L'orientation du sujet de ce mémoire prend ses sources lors d'un travail effectué en première année de . En effet, il nous a été demandé un exercice d'une quinzaine de pages sur le sujet de notre choix. A l'époque, je baignais dans l'univers des Pink Floyd, découvrant tour à tour leurs nombreux albums. Séduite par The Wall, mon choix s'est porté sur cette œuvre et ses multiples dimensions. Lors de son étude, beaucoup de questions sont restées sans réponse et j'ai pris conscience des multiples axes d'approche et des pistes inexplorées dont regorge cette œuvre. J'ai pris donc la décision de réaliser mon futur mémoire de maîtrise sur The Wall, œuvre mythique, tant sur le plan musical que sociologique.
Les ouvrages consacrés aux Pink Floyd sont assez nombreux, mais sont écrits par des journalistes ou des écrivains musicaux. Comme il s'agit d'une période très proche, les anecdotes sont nombreuses, mais trop souvent apocryphes. Le travail sur ce mémoire implique ainsi un tri rigoureux des données sur le groupe, notamment en terme de fiabilité des sources. De plus, la plupart des auteurs s'impliquent ouvertement, ce qui oblige constamment à un certain recul pour garder un maximum d'objectivité.
À ma connaissance, les quelques analyses existantes de The Wall ont été diffusées sur le Web pour des sites dédiés aux Pink Floyd. Malheureusement, elles sont plutôt succinctes, et s'orientent souvent selon un axe de lecture particulier, occultant par ailleurs des dimensions importantes. Ainsi, ce mémoire tend à réaliser une synthèse des informations dont la véracité est vérifiée, à les enrichir par des connections avec des concepts sociologiques existants et à les compléter par une analyse personnelle. En effet, aucun ouvrage francophone – ni anglophone à ma connaissance - ne propose une analyse détaillée de The Wall.
The Wall est une œuvre très dense, où fourmillent les axes de lecture. Ces multiples dialectiques sont intrinsèques à l'œuvre. En réduire l'approche à un seul axe en dénaturerait la conception même. Se concentrer sur un plan épistémologique (origine, valeur et portée de l'œuvre), dont la structure tripartite simple offre un fil conducteur évident, évite de se perdre dans les méandres de cette œuvre, et en permet cependant une approche à la fois plus globale et plus complète.
La première partie de ce mémoire retrace l'histoire des Pink Floyd et met en évidence l'environnement dans lequel The Wall a pris forme, à partir d'écrits récents et de revues musicales d'époque (Rock & Folk et Best). Ces écrits, qui contiennent des articles sur la vie du groupe, les différentes tournées ou les sorties d'albums, sont très intéressants car ils n'ont aucun recul sur l'intégralité de la production du groupe et ainsi révèlent des informations capitales sur le contexte musical et sociologique. Cette partie permet de dresser le panorama de leur production, et peut-être de mettre en évidence différents éléments annonçant The Wall en filigrane.
La seconde partie s'attache plus particulièrement au contexte de création de The Wall, avant d'en proposer une approche personnelle, basée sur une hypothèse : sa structure possèderait des similitudes avec une analyse psychologique. Puis, afin de mieux cerner The Wall dans son intégralité, les différents supports de cette œuvre multidimensionnelle (album, tournée et film) sont abordés à travers deux pôles fondamentaux : la bande-son et le traitement des éléments visuels, en particulier l'utilisation du symbolisme.
Enfin, la troisième partie tente de mettre en évidence la portée de cette œuvre. Pour ce faire, il s'agit dans un premier temps de réaliser une pré-enquête sociologique à l'aide d'entretiens, afin de mesurer l'impact du film sur un public. Puis, dans un second temps, les conséquences de cette œuvre doivent être étudiées au sein des Pink Floyd, et plus particulièrement sur Roger Waters, le compositeur. Enfin, il est intéressant de mesurer la réelle part d'innovation de ce projet, par rapport à ce que l'on pourrait qualifier d'évolution « logique » d'un point de vue musical, technologique et historique. Pour finir, Tommy, des Who, album paru en 1969 et qui a été ensuite réalisé en film en 1975, représente un élément de comparaison intéressant.
Pour tenter de comprendre une œuvre dans sa globalité, il faut l'inscrire dans son contexte d'émergence et prendre en compte les diverses répercutions de ce contexte sur l'œuvre elle-même. En travaillant dans cette optique, j'ai pris conscience qu'au-delà d'appartenir à son contexte (époque sur le plan musical), The Wall nous livre un véritable témoignage de la société post-Seconde Guerre mondiale anglaise. Par extension, il délivre des informations qui peuvent s'extrapoler à notre société occidentale et à l'homme moderne en général. Le terme de « témoignage » est capital, car si The Wall critique cette société, il ne s'inscrit pas dans une démarche explicative ou intellectuelle.
Le choix d'un tel sujet, et surtout la manière de l'aborder n'est pas sans risque. La musicologie universitaire reste encore peu développée en matière de musique actuelle, ce qui inscrit ce mémoire dans une dimension peu conventionnelle. De plus, à l'intérieur même de ce que l'on peut regrouper sous l'étiquette de « musique actuelle », The Wall reste une œuvre très dense. Elle se décline sous plusieurs aspects et sa structure est très complexe. De plus, j'ai fait le choix de traiter ce sujet avec une approche hors des sentiers battus de l'analyse musicologique. Ceci ne représente en aucun cas une volonté délibérée de me démarquer, mais bien au contraire une réelle détermination d'inscrire The Wall dans la dimension qui est la sienne. Une analyse purement musicologique, au-delà de l'intérêt majeur qu'elle représenterait, dénaturerait The Wall, car il est indissociable de sa dimension sociale. Cependant, je suis issue d'un cursus musicologique, et non sociologique, et même si je pressens l'importance de cette matière, et les riches notions qu'elle peut apporter pour soutenir mon analyse, je n'en ai pas moins d'importantes lacunes.
Malgré la prise de conscience de tous les risques qu'implique ce mémoire, je reste bien décidée à mener à bout ce sujet, car il me semble primordial d'adapter un type d'analyse à l'œuvre étudiée. Ainsi, la prise de risque que je réalise en décidant ce type d'approche me paraît moindre comparée au risque de dénaturer une œuvre à travers une analyse inadéquate.
Pour finir, je tiens à préciser quelques écarts de conventions typographiques : les titres des albums apparaîtront en italique souligné et les titres de morceaux en italique. Ainsi, les confusions entre les albums et les nombreux titres éponymes seront limitées, ce qui facilitera la lecture. De la même façon, The Wall renvoie à l'œuvre en général, et The Wall à l'album uniquement. Les titres d'ouvrages seront, eux, présentés selon les conventions, en italique.
1) BONTE Pierre, IZARD Michel, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, Paris, Quadrige/Presse Universitaire de France, 1991, page 248.
2) Notons l'émergence des « Protest Songs », les chansons contestataires, avec notamment Bob Dylan, ou encore Joan Baez. Issues du blues, comme le rock, elles font partie du large éventail des multiples courants musicaux qui ont vu le jour ce siècle dernier.