Gentle Giant : A ne pas manquer...

Démarré par CrazyDiamond, 27 Mars 2008 à 21:37

CrazyDiamond

Bonsoir chers petits amis.
Fidèle à moi-même, je n'ai pu m'empêcher de vous pondre, une fois encore, après Camel et ELP, une petite chronique sur un groupe que j'affectionne tout particulièrement depuis quelques temps, un groupe ayant su développer une musique comme peu d'autres ont su en faire, en clair, une identité propre : GENTLE GIANT.

Pour la petite histoire, le groupe se compose de Kerry Minnear (compositeur diplomé et brillant claviériste), du brillant et excentrique John Waethers* (batterie & percussions), et Gary Green (guitare & basse) et des frères Shulmann : Derek (chant & guitare) Ray (violon), et Phil** (parolier & saxophoniste).

Assimilé à ses début comme un alter égo de Jethro Tull, Gentle Giant s'imposera rapidement comme un groupe absolument unique, maître d'un style difficilement définissable (ou plutôt alliant trop de styles musicaux pour lui donner un nom précis).
Etonnant de par la grande qualité de ses albums de 1969 jusqu'à 1975, le groupe connaîtra une chute progressive jusqu'en 1978, date à laquelle il sortira un album traumatisant de médiocrité, « Giant For A Day ». Après un dernier sursaut en 1980, le groupe se séparera dans la plus grande discrétion, et ses membres, à l'exception de John Waethers, ne feront plus jamais parler d'eux.

Quoiqu'il en soit, je considère Gentle Giant comme l'un des meilleurs groupes de rock progressif. Caractérisé par l'absence de leader charismatique (en opposition à Genesis), de démonstration de virtuosité (ELP) ou de morceaux quasi hermétiques (Yes, ou les impros de King Crimson), c'est dans l'alliance des styles les plus divers, eux même alliés à une qualité de composition littéralement exceptionnelle (l'une des plus grande du rock prog, peut-être même LA plus grande) que le groupe a trouvé son credo.

Je ne peux que chaudement recommander ce groupe d'anthologie à chacun d'entre vous, et je vous offre un traditionnel passage en revue de leur discographie.

* John Weathers n'intègre le groupe qu'en 1972, suite à un accident survenu au batteur Malcolm Mortimore, le batteur de Gentle Giant sur les deux premiers albums.
** Phil Shulmann quitte le groupe après l'album « Octopus », pour devenir instituteur, et sera remplacé, aux paroles, par son frère Derek. Le groupe, qui aurait dû se retrouver privé de ce qui était à l'époque considéré comme son leader, accouchera néanmoins – dans la douleur, certes – de son meilleur album, « In A Glass House », directement après son départ.


Amicalement. Crazy



GENTLE GIANT (1969)


Je ne vois guère, dans le rock progressif, que King Crimson et ELP qui aient pu sortir, du premier coup, un premier album aussi résolument identitaire. Gentle Giant a déjà trouvé son style. Kerry Minnear, fraîchement diplômé des écoles de compositions, livre le meilleur de lui-même, et le talent des frères Shulmann est déjà au rendez-vous.
« Giant », qui ouvre l'album, est un instrumental renversant. « Funny Ways » est accrocheuse et sombre. « Alucard » démontre, comme « 21st Century Schizoid Man » l'alliance brillante que peut donner le hard rock mêlé au jazz. Ajouté ici une pointe de psychédélisme bienvenue.
Tout n'est pas parfait tout de même. La ballade jazzy « Isn't It Quiet And Cold ? » et l'anecdotique « The Queen » sont oubliables.
Mais il est important de noter ici la présence d'un chef d'œuvre, tranchant d'ailleurs complètement avec l'univers habituel de Gentle Giant : il s'agit de « Nothing At All ». Ce truc est du niveau de « Stairway To Heaven » et mérite sa place au panthéon des ballades rock les plus réussies. C'est un vrai petit miracle à découvrir de toute urgence, même si l'on est allergique au prog.
A noter que cet album fut malgré tout un échec, que les critiques rock attribuèrent au succès de « In The Court Of The Crimson King », jugeant avec humour qu'on ne peut pas « se taper deux révolutions dans la même année » (rock & folk)


ACQUARING THE TASTE (1970)


Nous y revoilà. Cet album est la parfaite transition entre les débuts brillants mais timides, et la maturité du groupe, atteint avec « Three Friends » l'année suivante. Comme souvent, l'ouverture de l'album est géniale, et c'est ici « Pantagruel's Nativity » qui assure la tâche de nous mettre les papilles auditives en appétit.
Cet album est d'une homogénéité qualitative plaisante. Tout est bon. Et même si Gentle Giant s'approche parfois dangereusement de Jethro Tull (« Wreck »), ce « Acquaring The Taste » nous laisse une saveur délectable.
Une réussite, dont le succès relatif permettra à certains de prévoir le choc de « Three Friends ». Les autres n'avaient pas idée de ce qui allait leur tomber dessus.


THREE FRIENDS (1971)


Unique concept album de Gentle Giant, « Three Friends » dépeint la destinée de trois amis d'enfance, qui allaient à l'école ensemble. L'un est devenu peintre, l'autre ouvrier, le troisième cadre bien rémunéré en entreprise. La conclusion est que les deux premiers, malgré leurs difficultés financières, sont bien plus épanouis humainement que le troisième.
Bon, inutile de tourner autour du pot : « Three Friends » est une éclatante réussite. Dés le « Prologue », on est véritablement plongé dans un univers prog tout à fait unique. Gentle Giant a définitivement trouvé son style, affermi les aspect les plus prog de « Acquaring The Taste », donné une importance plus grande encore aux superbes claviers de Kerry Minnear, et développé, grâce au talent de John Waethers, des rythmiques passionnantes.
« Schooldays » est un morceau d'une phénoménale complexité, qui nous prend malgré tout aux tripes. Les morceaux de l'album sont tous excellent (mention spéciale à « Peel The Paint ») et le tout s'achève dans un rock prog énergique, jouissif, renversant : le morceau titre, un classique.
Excellent de bout en bout, à connaître absolument.


OCTOPUS (1972)


Casé entre « Three Friends » et « In A Glass House », « Octopus » est membre de cette trilogie magique de Gentle Giant, comparable à celle de King Crimson (1973-1975) ou Van Der Graaf Generator (1971-1976).
L'album s'ouvre sur le flamboyant « The Advent Of Panurge ». Rythme Soul, chœurs moyen-âgeux, sonorités jazz, Gentle Giant mélange les styles pour le plus grands bonheur de nos oreilles. Dans une veine plus « héroïque », « Raconteur Troubadour » et ses rythmes tribaux nous ramènent au cœur de Moyen-Âge. Du tout grand. Plus oubliable, « A Cry For Everyone » n'en reste pas moins un morceau rock de très haute facture. « Knots » surprend par la complexité de sa composition. A l'écoute de morceaux comme celui-ci, on n'est plus surpris du fait que Gentle Giant joue sur scène avec des partitions. Elles peuvent être littéralement indispensables.
L'instrumental « The Boys In The Band » est génial, « Dogs's Life » est aussi réussie que bizarroïde... et enfin, « Think Of Me With Kindness », la chanson la plus accessible de l'album, est une ballade beatlesienne absolument GENIALE !!! Un classique.
Ajouté à cela le flamboyant final « River », « Octopus » est non seulement l'un des meilleurs album de Gentle Giant, mais un incontournable dans le rock progressif des années 70.
Avec cet album, GG se forge une réputation des plus solide au sein du prog rock britannique, et, histoire d'enfoncer le clou, s'offre le designer Roger Dean (Yes) pour réaliser la pochette.


IN A GLASS HOUSE (1973)


Etait-il possible de faire mieux que « Octopus » ? Apparemment oui. Gentle Giant le prouve dés le premier titre. Voici « The Runaway » et sa rythmique de verre brisée, contemporains de « Money »... et plus réussi encore.
Il y a des cas où on se demande pourquoi on chroniquerait un album alors qu'on pourrait tout simplement l'écouter.
Je ne m'attarderai pas à vous pondre le même petit décorticage que sur « Octopus », mais simplement vous le dire en quelques mots : « In A Glass House » est le meilleur album de Gentle Giant. Il n'y a pas un faux pas, pas un défaut. La musique traduit une inspiration, une inventivité, que très peu de groupes ont pu approcher.
A dire comme ça, ça fait intégriste, je sais, mais, en mon âme et conscience, je ne peux vous recommander de vous jeter littéralement sur ce don du ciel que GG fit aux amateurs de prog cette année-là.

IN-DIS-PEN-SABLE !!!!!!!


THE POWER AND THE GLORY (1974)


Se forgeant progressivement une solide réputation aux USA, mais ne jouissant pas d'un prestige réel en Europe, Gentle Giant décide de réaliser un album plus commercial, plus simpliste et plus « américain », visant directement les Etats-Unis, car ils sont persuadés – à juste titre – que leur destin commercial les attend là-bas.
Cette concession commerciale n'est pas perceptible au premier titre, le génial « Proclamation », qui deviendra un hit malgré sa complexité. Mais, passé ce cap, force est de reconnaître qu'il manque quelque chose à cet album. Peut-être le fait que Gentle Giant se passe à présent de tout apport symphonique, qui manque tout de même cruellement sur des morceaux comme « So Sincere ».
Mais ne jetons la pierre à personne : « The Power And The Glory » est un bon album, comportant de très bons titres, comme le planant « Aspirations » ou l'énergique et court morceau titre. D'une manière générale, c'est une réussite, qui n'a de défaut que l'ombre planante de l'excellence de ses prédécesseurs.
Pour l'anecdote, l'album sorti en pleine affaire du Watergate, et, du fait de son titre et des thèmes abordés, fut un très gros succès aux USA. Pari gagné, destin aidant !


FREE HAND (1975)


Voici ce qui fut le plus gros succès du groupe. Mérité ? Peut-être pas. « Free Hand » n'est pas l'album le plus intéressant dans la discographie de Gentle Giant. Mais relativisons. Cette même discographie est si riche, faisant si souvent preuve d'un niveau de composition exceptionnel, qu'un album comme celui-ci reste très bon.
On est saisi dés l'introduction (la première piste d'un album de GG est toujours une perle) par l'énergie communicative de « Just The Same », un incontournable. « On Reflection » démontre l'attachement sine qua none du groupe pour les morceaux de chœurs. Le morceau titre, est, quant à lui, génial, dynamique, itou.
Passé ce stade, les morceaux ont moins de saveurs, tout particulièrement « Time To Kill » et surtout « Mobile », qui ressemble tellement à une compilation des morceaux de la trilogie « Thee Friends – Octopus – IAGH » qu'il en est vite lassant.
Mais « His Last Voyage » et le très sympathique « Talybont » sont à ne manquer sous aucun prétexte.
Bref, encore une fois, Gentle Giant nous sort un album vraiment réussi. Et trace ce qui commence à ressembler à un parcours sans faute depuis 1969. Hélas, toute bonne chose a une fin.


INTERVIEW (1976)


Album de transition entre la première partie de la carrière de Gentle Giant, progo-folklo-baroquo-jazz-rock, et la seconde, nettement plus rock, « Interview » ne possède pas la force de certains autres albums de transition de la même époque (« Animals », « Guet-Apens », et, dans une moindre mesure, « Going For The One »).
Avec cet album, et tout particulièrement le morceau titre et « Timing », Gentle Giant devient plus sage. Ou se rapproche de Kansas avec « Another Show » (reste encore à savoir qui plagie qui). En gros, c'est un peu décevant.
Libre à nous alors de nous attacher à quelques beaux titres, tels que « Empty City » ou « Design », ou le très réussi « Give It Back ».
« Interview » reste un album sympathique malgré tout. Mais, après toutes ces réussites, on attendait tout de même mieux.


THE MISSING PIECE (1977)


Cet album a mauvaise réputation. Il est considéré comme l'album de confirmation du Gentle Giant "nouvelle formule", plus rock, plus commercial, bref, moins identitaire.
Et c'est vrai. Dés "Two Weeks In Spain", on constate une composition nettement moins inspirée qu'à l'accoutumée, et, d'une manière générale, des musiciens moins en forme que sur les albums précédents. Des titres comme "Betcha Thought We Couldn't Do It" (traduc : vous ne nous auriez jamais cru capable de ça, hein ?), presque hard rock, tombent un peu à plat tant il est évident que Gentle Giant n'est pas à l'aise dans ce domaine.
La première face est ainsi inefficacement commerciale, malgré la présence du sympathique "I'm Turning Around" et son réjouissant solo de Hammond, et du dynamique "Mountain Time", excellent.
La seconde face est plus intéressante et plus progressive. Avec "Memories For Old Days" (ben voyons...), Kerry Minnear renoue avec la complexité d'antant.
Mais quoiqu'il en soit, cette "Missing Piece" est celle d'un renoncement, et conduit, hélas, droit à ce qui sera le pire album du groupe l'année suivante : "Giant For A Day".

GIANT FOR A DAY (1978)


Presque unanimement reconnu comme le plus mauvais album de Gentle Giant, « Giant For A Day » mérite sa réputation. Les titres, ici, sont particulièrement agaçants, répétitifs, les arrangements sont devenus définitivement commerciaux, de même que les rythmes, les thèmes musicaux... on s'ennuie, et les titres les plus enlevés (le morceau titre, « Little Brown Bag », « Rock Climber »...) ne peuvent sauver l'album de sa tiédeur lassante...
Le groupe tente ici une percée dans différents styles : Le reggae (« No Stranger »), la ballade folk (« Friends »), le rock « lakien » sans goût ni saveur (« It's Only Goodbye »). Pas une seule de ces tentatives ne s'avèrent payante, et les morceaux plus identitaires (« Take Me », ou l'agaçant « Words From The Wise ») ne peuvent donner le change.
Au final un album supérieurement raté, sans chanson accrocheuse, sans moments agréables.

CIVILIAN (1980)


Conscient de l'échec commercial, mais surtout artistique, de « Giant For A Day », Minnear décide de se recentrer un peu pour ce qui sera le dernier album du groupe. Ce « Civilian » n'est pas inoubliable, loin de là, mais comporte ça et là de très bons moments.
Premièrement, après des années de recherches infructueuses, Gentle Giant accouche enfin d'un bon morceau commercial et accrocheur : il s'agit du jouissif « All Through The Night ». « Number One » est dans cette même veine, bien qu'un peu moins réussie. Dans un autre genre, celui de la chanson tendre et planante, « Shadows On The Street » est également un pari gagné.
Les morceaux rock (« Underground », « I'm A Camera »), même s'ils n'ont pas la force de ceux des groupes spécialisés dans le domaine, sont nettement plus agréables que sur les albums précédents.
Malgré un plombage gênant par certains titres inutiles (« Heroes No More », « Convenience »), « Civilian » reste, même en demi teinte, une réussite.
Du fait du cuisant échec commercial de cet album, et d'une homogénéité bien moindre qu'à la grande époque, Gentle Giant se sépare quelques mois après la sortie de « Civilian ».



A noter qu'un live datant de 1976, « Playing The Fool », existe, et se trouve même être un album particulièrement brillant.

Voilà, j'espère que vous vous intéresserez à ces lascars. On peut mettre un certain temps avant d'accepter pleinement la musique de Gentle Giant. Mais on ne regrette pas le voyage une fois à l'intérieur.
Gentle Giant est l'un des sommets du prog, comme Van Der Graaf ou King Crimson. Laissez-vous tenter... ;)
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

mihalis

Merci Crazy tes critiques sont toujours tres interessante. :super:  :super: :super: :super:

Je possede quelques album de Gentle Giant mais jai pas encore eu le temps de les écouter vraiment attentivement, chose que je vais faire cette semeine je crois.

Merci

manu

Merci Crazy ! Je ne connais que deux albums de Gentle Giant : Acquiring The Taste que j'aime raisonnablement et Octopus que j'adore :amour:

Citation de: CrazyDiamondCasé entre « Three Friends » et « In A Glass House », « Octopus » est membre de cette trilogie magique de Gentle Giant, comparable à celle de King Crimson (1973-1975) ou Van Der Graaf Generator (1971-1976).
Je sais ce qu'il me reste à faire, merci beaucoup !
« You can never get enough of what you don't need to make you happy. » — Eric Hoffer
« Désolée mais la trilogie de Nico... A côté, Berlin c'est Disneyland. » — E.G.

ZeZapatiste

Je connais quelques chansons de Gentle Giant (surtout Pantagruel's Nativity et l'innénarrable Knots), et je pense que je vais acheter quelques CD prochainement pour écouter de façon plus attentive (quand j'aurai les sous, quoi !)
Let the sun shine in

lunatic91

Mince,encore un cd que je vais devoir m'acheter(faut que j'en parle à mon banquier,lui expliquer la vitalité du turc,etc...).Je vous donnerais mon avis dès que j'aurais chopé un album.Par lequel commencer avant tout?
There's someone in my head,but it's not me.

CrazyDiamond

"Octopus" peut être une très bonne entrée en matière. Ou alors le tout premier, moins complexe, plus planant, et très beau.
"In A Glass House", c'est le sommet, mais il n'est pas toujours bon de découvrir un groupe par ce qu'il a fait de mieux (encore que y'a des cas où tout est tellement impecc' qu'on peut le prendre par tous les bouts... c'est le cas de la discographie de Gentle Giant).

Evite de préférence les 3 derniers. Choper leurs meilleurs morceaux est encore la solution la plus économe en fric et en frais de traitement de l'oreille interne...
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

The Dark Wall

J'ai découvert GG lorsque j'ai eu mon nouveau casque. J'ai tapé '"album prog rock" sur Youtube et il m'a proposé Octopus. Coup de foudre. En particulier sur Think Of Me With Kindness, Knots, A Cry For Everyone et Raconteur Troubadour.

Gael

Vous avez fait une belle erreur: Malcom Mortimore n'était pas le premier batteur sur "Gentle Giant" et "Acquiring the Taste". Les fûts étaient tenus par un certain Martin Smith (RIP à son âme) qui est décédé depuis mais qui se révèle tout aussi efficace que Mortimore sur "Three Friends". En particulier "Pantagruel's Nativity" et "Plain Truth" deux titres sur Acquiring où l'on peut entendre le jeu de Smith. Il est clair qu'à côté d'un Martin Smith ou Malcom Mortimore, John Mayhew de Genesis faisait pâle figure...