Van der Graaf Generator - Pawn Hearts (1971)
Van Der Graaf Generator est certainement un groupe bien méconnu du grand public malgré sa grande qualité. Dans les grandes heures du rock progressif, il était pourtant une figure de proue de ce style. Sa popularité trouva son apogée en Italie, où le groupe bénéficia d’une étrange idolâtrie. Van Der Graaf’ a su développer un style unique en s’appuyant sur le talent vocal de son leader, Peter Hammill, sans aucun doute une des voies les plus identifiables et singulière du rock, mais aussi en mêlant habilement et avec originalité plusieurs influences musicales, le rock progressif inspiré par la musique classique, le jazz en passant par le hard rock ou le psychédélisme. Mais plus qu’un mélange des genres, Van Der Graaf Generator c’est l’alternance des sentiments et des atmosphères, le calme préfigure la tempête, le dépit la jubilation, la cacophonie la maitrise.
Dans Pawn Hearts, tout est dans l’alternance. La longue pièce finale, A plague of Lighthouse Keepers, suffirait presque à elle seule, à résumer l’album. Dans ce morceau tous les ingrédients qui font de Van Der Graaf Generator un cocktail aussi déjanté qu’explosif sont présents. Les premières notes vous plongent dans une ambiance morbide, très glaciale. La voix fine et morbide d’Hammill ordonne ce malaise sordide. Tout semble contrôlé, et puis tout s’accélère, emmené par le démoniaque saxophone de David Jackson, les instruments se déchainent, la folie succède à la peur. Et puis, le calme revient, l’orgue se fais plus présent, donnant à la musique une teinte plus planante, la voix d’Hammill devient profonde et mélancolique, l’hystérie laisse place à la sérénité du désarroi. Mais Van Der Graaf Generator est une bombe à retardement, capable d’exploser à tout moment. Le morceau retrouve cette envie d’exprimer cette folie qui l’habite, l’auditeur est asphyxié. Le calme refera surface pour mieux se perdre une nouvelle fois.
Le reste de l’album est dans le même ton, le morceau intitulé Man Erg est apaisé et s’apparenterait presque à une « ballade ». Mais la fantasque fougue du groupe reprend sa marche en avant, aux environs de la troisième minute, le titre explose de tous les côtés et devient complètement fou. Ce délire dure 3-4 minutes et on retrouve le côté apaisé qui marque le début du morceau. C’est comme si Van Der Graaf Generator avait eu un coup de folie, une défaillance momentanée de la raison.
Van Der Graaf Generator a horreur du vide et de l’ambigüité. Tout est exagéré, la folie laisse place à la sérénité, la raison à la passion, tout est extrême. Cette alternance des émotions est rendu possible grâce à l’alternance des genres. Les sonorités hard-rock incarne la folie, les sonorités jazz et psychédéliques incarnent le calme, la mélancolie et la sérénité. Les nombreux changements de rythmes incarnent également ces changement brutaux d’atmosphère, d’émotions et de sentiments. Album aussi déjanté que profond, Pawn Hearts est certainement l’album culte de Van der Graaf Generator, l’album resta 10 semaines en tête des ventes, en Italie ! Cet album préfigure les futures réussites du groupe que sont Still Life et Godbluff et n’est vraiment pas dispensable.
Auteur de la page : Walmour (chronique).