Emerson, Lake & Palmer : chronique(s) d'un fan objectif...

Démarré par CrazyDiamond, 20 Août 2007 à 00:30

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CrazyDiamond

Bonsoir à tous,

Suite à une discussion sur tribalweb avec Illuvatar (dont le thème central était, je crois, "ELP, ça casse pas des briques"), je me suis décidé, chers petits amis, à vous pondre une chronique à côté de laquelle celle d'"Amused to death" – si certains s'en souviennent – semblera sacrément maigre. Le centre de cette chronique est le groupe progressif Emerson, Lake & Palmer. J'entends déjà Alistair soupirer en se disant : "putain, il a pondu trente pages sur ces ringards..." Je le pardonne.
ELP est souvent considéré comme démodé et prétentieux, bourré d'inspiration classique, réservé aux nostalgiques de cinquante balais qui ont choisi ce qu'il y a de pire dans le prog. Seulement voilà, j'ai vingt ans, je suis normalement constitué, fan de Pink Floyd, de "Pawn Hearts", de "Red" et "The Lamb Lies On Broadway", et pourtant, si l'on reprend le vieux thème du bateau qui coule, j'emporterais parmi mes 5 disques autorisés au moins un ELP. C'est grave, docteur ?
Je ne cherche pas à convaincre les allergiques, mais plus amener une série de jeunes personnes fascinées par King Crimson, VDGG et Genesis à s'intéresser d'avantage  à ce trio unique dans l'histoire de la musique, à part jusque dans sa composition (basse+batterie+piano, formation rare dans le rock s'il en est).
Pour ce faire, j'ai donc choisi de chroniquer, critiquer ou encenser, disque par disque, leur "belle période" (1970-1974) et, par soucis d'objectivité, les prémices de leur chute (1975-1978), les deux décennies suivantes ne présentant que des albums globalement mauvais (plus encore que Yes ou Genesis, ELP s'est littéralement fait bouffer par la FM, sans y rencontrer, eux, le moindre succès).
Voici donc, camarades, certains des albums qui ont bercé la fin de ma scolarité, convaincu au moins UNE conquête (j'ai bien dit une, mais les jeunes du forum sont suffisamment bien placés pour savoir que faire aimer le prog aux filles, c'est plutôt complexe), et auxquels, j'espère, vous vous interesserez, car il me semble être le seul ici, d'une part à les connaître vraiment, d'une autre à les apprécier. Et pourtant c'est pas bien logique que tout un forum de Pink Floyd les rejette...
Voici donc quelques critiques, aussi objectives que possible. Un fan n'est jamais objectif, me direz-vous. Mais après tout, je suis fan de PF sans que ça m'empêche de cracher copieusement sur "A Momentary Lapse Of Reason"...

PS avant lecture : Vous n'êtes pas obligé de tout lire. Prenez-en un, faites-vous votre opinion.

Donc, pour faire court avec la genèse : Keith Emerson (ex-Nice), Greg Lake (que bon nombre d'entre vous connaissent comme chanteur de King Crimson sur les deux premiers albums), et Carl Palmer (ex-Atomic Rooster) s'asocient en 1969 pour fonder ELP. Ils emmènent avec eux le parolier de King Crimson, Peter Sinfield, qui les suivra sans faire partie intégrante du groupe jusqu'en 1978. Il est un temps question, très sérieusement, que Hendrix, lassé par son image de guitar hero, rejoigne le groupe, destiné désormais à s'appeler HELP. Hélas, Hendrix meurt avant les premières séances. Le trio continue donc sans savoir si oui ou non, il lui faut un guitariste (Lake étant un excellent bassiste mais un guitariste moyen). Le succès obtenu lors du mythique concert à l'île de Wight le convainc de poursuivre tel quel. Un mois plus tard ils entrent en studio.
Voici la discographie qu'ils y enregistrèrent...


"EMERSON, LAKE & PALMER" (1970)


L'avis n'est guère partagé par les soi-disant spécialistes du prog, mais il l'est par les fans le Pink Floyd. Le premier album, éponyme, est le meilleur de toute la discographie du trio. Il s'y montre ici avec une retenue inhabituelle lorsqu'on connaît les autres albums. On est surpris par l'équilibre général de l'album, par l'emboîtement des pièces, une sorte de magnifique puzzle présentant de façon non exhaustive l'étendue du talent des trois musiciens. Il suffit de cet album pour réaliser que Lake fut un brillant compositeur, Emerson un immense nom dans le monde du rock et du piano, et Palmer un batteur à ranger aux côtés de Bill Bruford, John Bonham ou Phil Collins (auquel il est, selon moi, supérieur).

L'album s'ouvre avec "The Barbarian", brillant instrumental inspiré de Prokofiev, où apparaît déjà la "marque" ELP, l'incroyable entente entre le pianiste et le batteur. Les bases sont posées. "Take A Pebble" (12mn), est probablement le meilleur morceau jamais enregistré par ELP avec "Tarkus". La mélodie est à la fois d'une subtilité et d'une simplicité troublante, tout s'imbrique parfaitement, et l'on pense à "I Talk To The Wind", en grande partie composée par Lake, en encore mieux. L'utilisation (unique dans la disco d'ELP) de bruitage est magnifique, et le solo de piano, constamment inspiré par les grands auteurs classiques, et l'une des meilleures improvisations du monde du jazz (et c'est pas moi qui le dis). "Knife Edge" est un rock tapageur du meilleur cru, l'un des meilleurs du groupe, un défouloir très mélodique et brillant, surtout rapport au jeu de batterie. "The Three Fates", pièce instrumentale pour claviers, serait parfait si Emerson n'avait pas la passion des grandes orgues, mais les parties piano sont à tomber tant elles sont belles. Le génial "Tank" se décompose en trois parties, la première est d'un intérêt relatif, mais la seconde (un incroyable solo de batterie) et la troisième (un crescendo vertigineux) sont inoubliables. Enfin, le tube "Lucky Man" clôt l'album. Tant de simplicité après tout ce qui a précédé pourrait choquer, et pourtant ce n'est pas le cas. "Lucky Man" est simplement un morceau ultra beatlesien, le genre qui met de bonne humeur le matin. L'équivalent d'un "Summer 68".

Bref, "Emerson, Lake & Palmer" est bien plus qu'une simple entrée en matière. C'est l'une des grandes pièces de résistances d'un groupe surinspiré du début des seventies. L'inspiration n'est, hélas, pas éternelle.


"TARKUS" (1971)


Grande année, grands albums, grands progrès sur le plan du prog. "Tarkus" est le concurrant des charts de "Meddle" et "Led Zeppelin IV". Il est l'album le plus connu du groupe, son plus grand succès et généralement présenté comme son meilleur. Loin de moi l'idée de détenir la vérité absolue, mais cette dernière appréciation est fausse.

"Tarkus" a néanmoins pour lui un atout majeur, pour ne pas dire écrasant : sa suite, occupant l'intégralité de sa face A. 20 minutes de délire musical absolu. Elle égalise sans difficulté ses concurrantes de l'époque : "Lizard" (King Crimson) ou "A Plague of Lighthouse Keepers" (VDGG), pour ne citer qu'elles, et surpasse selon moi "Close to The Edge" (Yes) et "Supper's Ready" (Genesis). Je pourrais la comparer à "Echoes" mais : a) elles n'ont rien à voir, b) je me mettrai l'intégralité du forum à dos.
Quoiqu'il en soit, "Tarkus suite" est un chef d'œuvre, parmi ce que le rock prog a fait de mieux. le talent de compositeur d'Emerson explose littéralement. La complexité de la rythmique, en perpétuelle évolution, et l'intelligence de certains accords tirent encore plus vers le haut cette réflexion sur la Grande Bretagne que certains philosophes de l'époque allergiques au rock ne manquèrent pas de saluer (!).
Mais après ? Un tel morceau de résistance ne serait-il pas un handicap ? En effet comment rebondir ? En 1971, ça allait, on allait retourner le disque, on avait le temps de réfléchir. Mais dans le cas gênant du CD, on enchaîne directement avec le westernien "Jeremie Bender", sympathique au demeurant en lecture seule, mais ne tenant pas la route un instant face à son imposant prédécesseur. Ma foi... drôle de choix, tout de même. Heureusement on enchaîne sur "Bitches Crystal", un superbe rock ultra dynamique aux accents de piano-bar de la plus haute tenue. Incomparable néanmoins à "Tarkus suite". Les deux morceaux suivants sont plutôt décevant : "The Only Way" est pompeux (prière de laisser l'orgue d'église à Rick Wakeman !) encore que certains passages à référence classique au piano soient excellents, et l'instrumental "Infinite Space" est plutôt mou et sans grand intérêt dans sa composition.
Retour aux choses sérieuses avec "A Time and a Place", hard rock rappelant Deep Purple, durant lequel on se dit que Lake aurait fait un très bon chanteur de métal. L'album se conclue sur une farce, le rock'n'roll "Are You Ready Edy ?", tellement pas prise de tête qu'il en devient entraînant, le groupe arrivant à faire passer à l'auditeur l'hilarité de la séance d'enregistrement.

A l'arrivée, "Tarkus" est un très bon album rock (le plus rock du groupe, sans doute), doté qui plus est d'une œuvre musicale immense et indispensable. Il n'est pas le meilleur disque d'ELP, mais tient ses promesses et ravira tout amateur de prog.



"TRILOGY" (1973)


Malgré l'immense succès de "Tarkus", Emerson, Lake & Palmer vont faire volte face avec l'album studio qui suivra. Pas moins de dix morceaux, et aucune suite de l'ampleur de celle de l'album précédent. Une erreur ? En aucun cas. "Trilogy" est peut-être le meilleur album d'ELP.

Il s'ouvre avec le tryptique "The Endless Enigma Pt. I / Fugue / The Endless Enigma Pt. II", un enchaînement rock magnifique, aux accords subtils, inspirés notamment par Moussorgsky (dont le groupe sort d'une réadaptation, "Pictures At An Exhibition"). La fugue est superbe et très solidement encadrée. Puis vient l'inoubliable ballade "From The Biginning", probablement la meilleure de Greg Lake, et plus grand succès du groupe en single. Il y a quelque chose de planant, presque floydien dans ce morceau, et ce malgré l'absence de claviers, de qui, pour ELP, constitue un tour de force. Suit le second volet de la trilogie western démarrée avec "Jeremie Bender" sur l'album précédent, "The Sherif", oubliable certes mais de loin la meilleure de la série. Puis c'est la reprise de Aaron Copland "Hoedown", brillante adaptation du thème héroïque, dont on lui préférera néanmoins la version live qui, coup de chance, se trouve être le morceau de clôture de l'album (il est celui d'ouverture de tous les concerts d'époque).
Retour à la qualité maximale avec "Trilogy", le morceau titre, incroyablement inspiré, en trois parties : la première, inspirée par Ravel, Debussy, est une merveille classique de composition originale (style dans lequel Keith Emerson-compositeur excelle), pour s'enchaîner de façon brillante sur un rythme sauvage, une sorte de hard rock synthé rarissime, et par cela d'autant plus appréciable. Les improvisations d'Emerson et la dextérité de Palmer font de ce morceau l'un des meilleurs de la discographie du trio. L'enchaînement est parfait avec le hard rock "Living Sin", qu'on confondrait volontiers avec Deep Purple si la voix de Lake n'était pas si particulière sur ce morceau.

Un brillant album donc. On oubliera au passage le très moyen "Abanddon's Bolero" pour se souvenir de "Trilogy" comme l'un des meilleurs disques de prog des années 70



"BRAIN SALAD SURGERY" (1973)


Voici un puissant album de transition. Mais il ne s'agit pas là d'une transition musicale, la musique de ELP se trouvant à la base si variée que seuls à un versement dans le punk ou le disco conviendrait le mot "transition". Non, le changement, c'est l'attitude de la presse vis-à-vis du groupe à partir de cette période. C'est à cet album que Emerson, Lake & Palmer doivent leur réputation de "prétentieux". Parce que leur concept semble, curieusement, désormais inaccessible. Lake et le parolier Peter Sinfield accouchent dans cet opus de textes si complexes, si codés, que plus d'un auditeur anglophone s'en trouvera désorienté... So :
- L'album s'ouvre violemment avec "Jerusalem", pièce religieuse remontée à la sauce ELP, tant et si bien qu'elle se verra interdire tout passage à la radio et qu'on lui collera l'étiquette de "morceau subversif". Objectivement cette adaptation est excellente, le punch et le style y brillent au firmament.
- Puis c'est "Toccata", adaptation complexe de l'œuvre de Ginestra. Jugée dans l'immédiat hermétique, musicalement inaccessible. Le même type de reproches seront faites à Fripp quelques mois plus tard pour "Starless and Bible Black", mais de façon bien moins belliquense.
- "Still... You Turn Me On" est la ballade lakienne du disque, et sans atteindre la perfection de "From The Beginning", elle reste excellente (pour anecdote, Goldmann la plagiera sciemment, aussi clairement que "Is There Anybody Out There" pour les besoins de "Puisque tu pars" Beurk...).
- "Benny The Bouncer" clôt hélas bien mal la trilogie western. Bien qu'il s'agisse du pire morceau de l'album, rien ne lui sera reproché, alors que les critiques descendront en flamme le morceau de résistance, la pièce "Karn Evil"... allez comprendre.
- "Karn Evil", la voici. Comme "Tarkus", elle occupe une face complète, et comme "Tarkus", c'est un chef d'œuvre. "Welcome Back My Friends to the Show What Never Ends" est le "We Don't Need No Education" du Floyd, une phrase marquant à jamais les esprits. La suite se décompose en 4 parties : "Karn Evil First Impression Pt. 1" est probablement la plus riche, chacun (y compris Lake à la guitare !) y met toutes ses forces pour accoucher d'un morceau puissant extrêmement riche. la "Pt. II" est LE hit du groupe, le morceau qu'on garde en mémoire si on ne devait n'en garder qu'un. Il aborde le thème de la guerre comme un show télévisé (concept que Waters reprendra de manière plus explicite pour les besoins de "Amused to Death") de façon si complexe que beaucoup s'y perdront. "Karn Evil 2nd Impression" est un jazz génial, Keith Emerson s'y donnant à cœur joie en vocalise aussi complexes que brillantes. Le passage doux est vraiment émouvant. "Karn Evil Third Impression" paraît plus héroïque, et, par cela, moins accrocheur, mais il contient des perles d'enchaînements, d'accord, le moog d'Emerson réalisant parmi ses plus beaux soli.

Bref, "Brain Salad Surgery" est une fois de plus un album excellent mais pêchant par excès de complexité. La presse britannique ne le pardonnera pas, pas plus que la vague punk déjà déferlante, dont ELP sera peut-être, parmi tous les groupes de prog, la plus grande victime...
PS : la magnifique et inquiétante pochette est réalisée par le suisse Giger, futur créateur de Alien.



"WORKS Vol. 1" (1976)


C'est en pleine bourrasque punk, dont il furent la cible privilégiée, peut-être même d'avantage que Pink Floyd, que le trio s'exile en Suisse (à Montreux) mettre en boîte un double album d'un genre nouveau : une face réservée à chaque musiciens, et la quatrième regroupant deux suites collectives. On ne s'étonne pas vraiment du fait qu'aucun groupe ne l'ait expérimenté avant. "Works" sera le premier choix illogiques de ELP, qui conduira à sa scission avec un public acquis à sa cause. Voici donc le compte rendu de "Works Vol 1"

Face 1 (Keith Emerson) : Le pianiste virtuose a probablement perçu la chose suivante : "on me laisse une face à remplir et aucune contrainte si ce n'est la limite de temps de 30 mn (gasp) ? Parfait, on y va !". Ainsi naît le "Piano Concerto n°1" (il n'y en aura pas d'autres), longue pièce classique pour piano et orchestre symphonique. Emerson montre d'ailleurs par moment un véritable talent de compositeur classique, quasi supérieur à Schumann. Mais sur la durée on se lasse. Surtout si on pense avoir acheté un album de rock progressif !!!

Face 2 (Greg Lake) : Lake se montre beaucoup plus honnête dans sa démarche et accouche de 5 morceaux de qualité variable. Il y a de l'excellent, du bon, et du carrément mauvais. Ainsi de "Nobody's Love You Like I Do" (morale au passage : ne jamais laisser Greg Lake choisir les titres de ses ballades !) et "Closer to Believing" et ses exécrables additions d'orchestre, qui le font ressembler à une chanson de Disney. "Lend Your Love To Me Tonight" et "C'est La Vie" sont d'excellentes ballades, subtiles et agréables (solo d'accordéon sur cette dernière aussi brillant qu'inattendu). "Hallowed Be Thy Name" est un jazz-rock absolument génial, pêchu et entraînant. Ca fait plaisir.

Face 3 (Carl Palmer) : On ne s'attardera pas. C'est mauvais. Seule la courte reprise de Bach vaut le détour (compositeur oblige), le reste est à oublier dans l'instant ("LA Nights" est insupportable, "New Orleans" sonne comme du mauvais King Crimson, "Tank" nous fait regretter la version originale) Passez votre chemin.

Face 4 (Emerson + Lake + Palmer) : Il paraît que la reprise de Copland "Fanfare For The Common Man" est culte. Les Stones l'utilisaient même comme intro avant d'apparaître sur scène. Faudra qu'on m'explique, à part un passage sympa (1'11-1'26. Plutôt court), ce morceau "heroes prog" est complètement nul. En revanche "Pirates", la seconde suite, est beaucoup plus intéressante. Le niveau de composition est élevé, les paroles somptueuses. Mais cela suffit-il à l'achat de l'album ?

Résumons-nous : 4 bons morceaux, un cinquième à supposer que le style classique d'Emerson nous plaise, et un restant sans intérêt... bref, au contraire de Genesis ("The Lamb Lies Down Of Broadway"), Pink Floyd ("The Wall") ou Yes ("Tales Of Topographic Ocean"), ELP reste l'un des rares groupes de prog à avoir raté son double album. Pas de concept, manque de cohérance... dommage. Mais ne manquez pas "Hallowed be Thy Name", peut-être la meilleure compo de Greg Lake en solo...




WORKS Vol. 2 (1977)


La tournée ruineuse ayant suivi "Works Vol. 1", ainsi que le succès réel mais moins grand que prévu de ce dernier forcent nos compères à foncer en studio histoire de sortir au plus vite un nouvel album moins coûteux.  Autour de singles sortis en 1975 (le sympathique "I Believe to Father Christmas" de Lake et l'excellent et jazzy "Honky Tonky Blues" d'Emerson) se construisent une série de chansons, qui vont – et on commence hélas à s'y habituer – du meilleur au pire d'un point de vue qualitatif. Au rang des bonnes chansons, signalons le titre le plus rock d'ELP, "Tiger In A Spotlight", très honorable, et l'excellent "So Far To Fall", titre pêchu et jazzy. Le reste est en déca. "Brain Salad Surgery", instrumental anciennement face B du single "Jerusalem", est très moyen. De même que la léthargique ballade  "Watching Over You", dont on est à se demander si le "Good night" s'adresse directement à l'auditeur.
L'album est sauvé néanmoins par son titre final, "Show Me The Way To Go Home", la plus jazz de toutes les chansons d'ELP, véritablement excellente.
Au final, "Works Vol. 2" est un album en demi teinte, jazz en diable, et somme toute honorable pour un groupe qui tire ses dernières cartouches avant la grillade. En cela, il est à rapprocher de "Wind & Wuthering" de Genesis ou "Drama" deYes...




"LOVE BEACH" (1978)


Il convient de saluer comme il se doit ce qui est convenu de présenter comme la pire œuvre jamais produite par le trio. On déchantera 15 ans plus tard, à l'écoute de l'abyssal "In The Hot Seat", qui se présente désormais comme un sommet de nullité progressive. Concernant "Love Beach", comme il a été très justement dit sur "Big bang Magasine", il prête d'avantage à sourire qu'à s'arracher les cheveux. Mais il part avec quelques boulets au pied :
1.   Sa pochette littéralement hideuse. Nos trois compères, chemises ouvertes, sourire "Dallas", au bord de l'océan.
2.   Son titre immonde et on ne peut plus démodé.
3.   Ses deux singles mis en avant qui ne sont pas moins que les deux plus mauvais morceaux du disque : le sirupeux "All I Want Is You" (tout est dans le titre) et le détestable morceau titre, disco en diable, qui nous ferait rechercher ABBA au dos de la pochette pour la contribution musicale.

Un autre étron est à signaler : l'adaptation de "Canario" de J. Rodrigo, qui malgré une sympathique intro à l'irlandaise, s'en va rapidement vers un rock prog héroïque somme toute assez risible.
Pour le reste, on note le traditionnel morceau "western", absent des "Works" - qui s'en plaindrait -, "The Gambler", qui ne casse pas trois pattes à un canard mais s'avère finalement aussi convaincant que "The Sherif" sur "Trilogy". Puis il y a "Taste of my Love" et "For You", rocks assez bons, plutôt planants, qui rappellent, chose assez inattendue, Dire Straits ou Police (en supposant qu'on leur ait ajouté Emerson aux claviers). Enfin, il y a la pièce d'Emerson, "Memoirs of an Office rand a Gentlemen" (20 mn), dont certains passages ont de quoi décevoir si l'on connaît "Tarkus", mais dont la trame mélodique s'avère particulièrement inspirés. Si sauvetage il y a (les avis diffèrent sur la question), c'est à Keith Emerson qu'on le doit.



Voilà. J'espère que vous avez aimé et que cela attise votre curiosité.
Pour info, tous ces disques seront disponibles en fin de semaine prochaine chez CrazyDiamond, domicilié chez Tribal Web.

Bien amicalement
CD
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

Blue-Berry

Ben oui Crazy, tu as attisé ma curiosité, et j'irai sûrement farfouiller dans ton partage.
Je ne connais en fait d'ELP que l'adaptation catastrophique des Tableaux de Moussorgski... qui ne me donnait pas envie d'aller voir au-delà.

Ah si, je connais aussi la pochette de Giger, qui préfigure celle qu'il fera pour Blondie qq années plus tard,... juste avant de nous terroriser avec son Alien. Passer de la belle à la bête, en somme...
I would have liked to be this
jewish
canadian
poet
who sings Love and its meanders so well.
But by this time I would be dead,
And I would never have
met,
known,
and, above all, loved
You.
So too bad if I'm not this
jewish,
canadian,
poet
It's all right.

Gotta Be Crazy

j'aime bien ELP, c'est vrai que leur composition (basse, piano, batterie) est assez innatendu dans le rock et dans le prog, mais avec tout ce qu'ils ont pu faire, je trouve qu'ils ne sont pas naze que ça. J'aime bien Oedown, et puis ^leur albums surtout dans la période 73-78 :)
merci pour cette chronique, ca donne envie :D
Tapette !

Alistair

Mon nom est cité une fois par jour sur le forum...célébrité quand tu nous tiens. :cool:

Je ne suis pas fan d'ELP. J'aime bien leur premier album ainsi que la moitié du second (le titre éponyme), le reste me navre plus qu'il ne m'ennuie. ELP, c'est quand même du prog de progueux, c'est-à-dire des gens qui font de l'émancipation harmonique, rythmique, structurelle et technique des éléments consubstantiels au progressif. Ben pas moi... :nananere:

Blue-Berry

Citation de: AlistairMon nom est cité une fois par jour sur le forum... célébrité quand tu nous tiens. :cool:
Eh oui ! On réunit les sous pour t'élever une statue par souscription nationale ! :lol:

Citation de: Alistair(...)des gens qui font de l'émancipation harmonique, rythmique, structurelle et technique des éléments consubstantiels au progressif. (...)
Celle-là, fallait la sortir ! C'est vrai qu'elle fait très "prog" ! La preuve : on n'y comprend rien ! Et c'est fait pour ! :lol:

Mais personnellement, je me demande toujours si dans notre société moderne, la concurrence sociale ne déterminerait pas plus ou moins la survivance reproductrice du plasma germinatif le plus utile à l'espèce...

Votre avis ?
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jomann

Moi j'aurai une petite question à vous poser.
Les trois artistes viennent-ils tous de la musique classique?
Pour Keith Emerson j'en suis presque sûr,
Carl Palmer j''imagine   vu sa façon de jouer qui assez particulière (c'est trés mélodique pour une batterie), par contre pour Greg Lake je ne sais pas : Jazz-classique-folkore irlandais? :euh:

CrazyDiamond

Greg Lake est issu d'une des plus belles écoles qui soit : King Crimson. Autrement dit un groupe pionnier du prog, innovateur au possible, bourré néanmoins de référence à la musique contemporaine, au jazz et au classique. Mais Robert Fripp reste le principal compositeur du groupe. Lake intervient surtout au niveau des ballades, secteur dans lequel il excelle.

Il est le plus classique, le plus sage chez King Crimson et le restera au sein d'ELP. Il fait contrepoint face à la soif de démence musicale d'Emerson. Cette association est tout ce qu'il y a de plus bénéfique. Lorsqu'ils ne travaillent pas ensemble, ça donne des trucs tels que le premier disque de "Works Vol. 1" ou la face A de "Love Beach". Mieux vaut ne pas les séparer.

Je pense que Lake est tout simplement issu de la pop beatlesienne, ajouté à ça des références classique, sans pour autant parler de formation.
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

CrazyDiamond

En attendant que TribalWeb soit disponible sur Mac, mon nouveau support - que je recommande à tous d'ailleurs - regardez ces deux vidéos qui traduisent assez bien tout ce que j'aime chez ELP. Performance garantie :

Karn Evil 9 : First Impression Pt. I (album "Brain Salad Surgery")
http://youtube.com/watch?v=WUclxp7FxHI

Take A Pebble (album "Emerson, Lake & Palmer)
http://fr.youtube.com/watch?v=K5n_lZ7Et6M

Bonne projection !
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

Thelonius

En ce moment je me découvre une âme de progueux (pas intégriste non plus, rassurez vous je n'aime toujours pas Genesis ahahah, et WYWH m'emmerde toujours autant), et plus particulièrement je redécouvre ELP !
Et bien le groupe est assez martyrisé en fin de compte et leur musique n'est pas plus prétentieuse que celle de leurs poteaux progueux de tous horizons...
Leur démarche "classique" n'est pas si pompeuse que ça étant donné que ça ne va jamais dans le symphonique réellement.
J'aime énormément la suite Tarkus mais il est vrai que le reste de l'album est carrément décevant...
J'ai découvert l'album éponyme aujourd'hui et après deux écoutes je l'aime énormément, The Barbarian me laisse complètement abasourdi (alors qu'apparemment, ce n'est pas le cas de tout le monde qui préfère la suite de l'album...)
Trilogy, il est sur mon PC à Paris et je ne l'ai écouté qu'une seule et unique fois, il y a un bout de temps, je rejugerai de la qualité dans la semaine...
Et Brain Salad Surgery est très sympa aussi.
Turn on, Tune in, Drop out.

CrazyDiamond

"Trilogy" vaut en grande partie pour la suite "The Endless Enigma", excellente, et son morceau titre inoubliable, qui contient ce qui est selon moi l'une des meilleures transitions musicales au sein d'une même chanson. Ecoute-le bien, il est très bon. En revanche, si "Wish You Were Here" te gonfle, évite "From The Beginning", c'est exactement le même genre...
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

rickdabe

Pas mal ta présentation de ce qui fut le groupe qui m'a mis a l'etrier si je puis dire!

En effet j'ai commencer a m'intéresser au monde rock grace a eux ce fut ma première écoute d'un disque Rock(avant Pink floyd)! On était en 74 et j'avais acheté Brain Salad Surgery et Pictures at Exibition dans la foulée!  
Jusqu'à l'age de 13 ans j'étais plutôt branché Claude François période Motown,rigolez pas "Heloise" c'était pas si mal pour un môme de 11 12 ans!

Un an plus tard un pote m'a fait découvrir DSOTM mais ELP a toujours une place dans mon cœur! Un souvenir maintenant, peut être le meilleur,je suis rester un soir jusqu' 1 h du matin pour voir un reportage de la tv française montrant Emerson ,la porte ouverte de son piano a queue,pinçant les cordes comme une harpe sur "Take a pebble" (peut être leurs plus beau morceau!).
Un autre jour j'ai vu aussi sur la tv le moment ou Emerson triture et balance complètement son orgue tout défait dans la fosse devant le public dans le fameux concert "pictures at exibition".Il y en a qui cassaient des guitares lui c'etais son orgue!   on l'entends très bien sur le disque du même nom au milieu de "The great gates of Kiev"!

A noter la pochette original du vinyl" brain salad surgery" s'ouvrait comme une double porte sur le dessus,concept assez original je dois dire.
La première volerie,Que je fis dans ma vie c'est d'avoir goupillé,La bourse d'un...Vous m'entendez,La bourse d'un curé.

jomann

Salut à vous,
avez-vous des informations sur le morceau "The Sage"? Puisque j'ai vu que c'était Lake qui l'avait composé mais il y a un endroit que j'ai déjà entendu quelque part.

CrazyDiamond

"The Sage" se rapproche beaucoup du morceau de King Crimson "Moonchild", que Lake avait lui-même composé. Et le solo de guitare sèche à la troisième minute est un concentré de diverses inspirations classiques. J'ignore lesquelles.

Cette chanson, la voici : http://fr.youtube.com/watch?v=BRIB3umfoLo

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir "The Barbarian" (et accessoirement son clip tourné à Paris) : http://fr.youtube.com/watch?v=IgSLXqv-1CQ

Pour ceux qui souhaiteraient découvrir "Still... You Turn Me On" (et accessoirement le plagia de Goldman) : http://fr.youtube.com/watch?v=yoxHGxQw9ws

Et enfin, pour les amateurs de snuff movies en général et les adeptes de massacre de keybords en particulier :
http://fr.youtube.com/watch?v=Uwo69MLuL4U
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

Walmour

En parlant de Moonchild, ce morceau est pour moi est le point faible d'In The Court Of Crimson King : il se passe rien !

:fou:

Bref, c'est un autre sujet.

CrazyDiamond

Lake est co-compositeur de "21 Century Schizoid Man" et compositeur pratiquement à part entière de "Moonchild" et "I Talk To The Wind", bien que tout ces morceaux soient crédités des cinq membres du groupe.
Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec toi pour "Moonchild", les couplets sont assez déprimants, mais le refrain est vraiment très beau et touchant. C'est vrai que c'est une chanson très intimiste, qu'on écoute pas en soirée, mais qu'on garde pour soi, pour planer "gentil"... ou pour s'achever si on se sent mal, ça c'est clair.
Walmour : tu devrais essayer "Take A Pebble" (la version studio).
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

Alistair

Citation de: CrazyDiamondLake est co-compositeur de "21 Century Schizoid Man" et compositeur pratiquement à part entière de "Moonchild" et "I Talk To The Wind", bien que tout ces morceaux soient crédités des cinq membres du groupe.
Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec toi pour "Moonchild", les couplets sont assez déprimants, mais le refrain est vraiment très beau et touchant. C'est vrai que c'est une chanson très intimiste, qu'on écoute pas en soirée, mais qu'on garde pour soi, pour planer "gentil"... ou pour s'achever si on se sent mal, ça c'est clair.
Walmour : tu devrais essayer "Take A Pebble" (la version studio).
Pour moi le principal compositeur du premier King Crimson a toujours été Ian McDonald (toute la musique de "I talk to the wind" et "the court of the Crimson king"). D'où viennent tes info CrazyDiamond ?

CrazyDiamond

Hello Alistair ! C'était dans un bouquin (titre du genre "odyssée du prog") que j'ai feuilleté en vitesse à la fnac de la Part Dieu à Lyon en attendant un train. Il parlait d'une "touche" Greg Lake et que "I Talk To The Wind" et "Moonchild" pouvaient être considéré comme les précurseurs de ses ballades au sein de ELP ("Take A Pebble" était cité, ainsi que "C'est la vie" (là par contre je voyais pas le rapport)). Je sais l'importance de la contribution de Ian McDonald, ainsi que celle de Fripp et de Lake. Autant de personnalités fortes qui ont conduit à l'éclatement de King Crimson première mouture. Fatalement, des conneries peuvent s'écrire. J'ai à présent un doute pour savoir quelle contribution sur ces morceaux fut la plus importante. Je peux juste te dire que la contribution de Lake à King Crimson n'est pas à sous-estimer, tant sur le plan musical que financier (il est à la base le producteur de "In The Court" (ref : Big Bang Magasine).
Après le départ de Lake, les chansons de ce style disparaissent chez King Crimson, ne donnant plus que de lointains cousins ("Cirkus", "Formentary Lady"), mais comme McDonald a quitté le groupe à peu près au même moment... :(

PS : Je me suis gouré entre "21 CSM" et "Epitath", c'est de ce dernier que je voulais parler pour la co-composition (il est repris en partie dans le "Tarkus" de la tournée "Welcome Back My Friends")
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

CrazyDiamond

Chose promise ailleurs, chose dûe ici.

Ma chronique d'ELP prend sa forme définitive ici, avant de s'en aller tapisser le wiki.

Certains album étaient restés dans l'ombre, pour cause de méconaissance ("Concert At The Isle Of Wight", "In The Hot Seat") ou de feinéantise ("Pictures At An Exhibition", "Black Moon")...



CONCERT AT THE ISLE OF WIGHT (1970)


Premier concert du groupe. Très attendu. Il faut dire qu'à cet époque tout le monde identifie Lake à King Crimson (tendance qui s'annulera dés le lancement du groupe) et Emerson à The Nice, groupe qui ne fait pas l'unanimité mais qui a le mérite de marquer son territoire assez fortement (Emerson s'est fait particulièrement remaquer quelques mois plus tôt en brûlant le drapeau américain tout en jouant "America" - version West Side Story - en opposition à la guerre du Viet Nam). Palmer, lui, personne n'en a jamais entendu parler.

C'est un bon concert malgré un début littéralement catastrophique. Je m'explique : sur "The Barbarian" (morceau d'ouverture) l'impensable arrive : Emerson et Lake ne sont pas accordés. Nos oreilles souffrent. Heureusement le guitariste profite des longs soli d'Emerson pour remettre la basse à l'heure, et le reste du concert se déroule sans trop de problème, avec entre autre une version courte mais très réussie de "Take A Pebble".
Puis c'est l'adaptation de "Pictures At An Exhibition", qui va progressivement devenir un "concert's hit". Superbement interprété, même si cette adaptation est loin de faire l'unanimité. Tout s'enchaîne bien, les reprises sont à l'honneur ("Blue Rondu A La Turk" de Brubeck, "Nutrocker"...)

Bref un très bon concert, entaché néanmoins par l'énorme bourde de son introduction, et par un son qui, même s'il est excellent pour un bootleg, ne peut passer pour "officiel"


PICTURES AT AN EXHIBITION (1972)


Premier album live pour ELP, "Live At The Isle Of Wight" n'apparaissant que des années après leur séparation.
Il s'agit ici, on l'aura compris, de la fameuse adaptation des "Tableaux d'une exposition" de Moussorgski. Celui-ci a-t-il applaudi des deux mains ou s'est-il retourné dans sa tombe ? Nul ne le sait. Cette adaptation divise les auditeurs. Certains crient au génie, d'autres au scandale.
Ce concert est effectivement blindé de synthétiseurs, le fameux "moog" introduit dans le rock par Emerson, et dont le son a bien plus vieillit que celui de la batterie de Palmer, restée indiscutablement intemporelle.
Le concert s'ouvre et les bases du "heroes prog" sont déjà posées. Mais c'est du bon. Les trois mouvements de "Promenade", quoique très ressemblants, sont des réussites. "The Gnome", sans être transcendant, permet d'apprécier clairement le jeu de Palmer, et "The Old Castle" celui d'Emerson, capable de tirer de son instrument des sons vraiment incroyables !
On s'éloigne parfois de Moussorgski, comme avec la ballade "The Sage", signée Greg Lake, très réussie, très belle, et dans laquelle il exprime tout son talent de guitariste accoustique, ou encore "Blues Variations", jouissif.
Après cela on entre dans une partie du concert foncièrement moins intéressante. L'ensemble se répète un peu. Ce qui faisait la richesse des albums studio de l'époque, à savoir une véritable variété de style, est ici absent. Et même si on apprécie l'énergie monumentale déployée sur "The Curse Of Baba Yaga", ou le final impressionnant sur "The Great Gates Of Kiev", l'ensemble laisse un sentiment d'inachevé... Recommandé néanmoins pour "The Sage" et "The Curse..."

A noter sur la version remastérisée la version live de "Nutrocker", hélas plutôt anecdotique.


WELCOME BACK MY FRIENDS TO THE SHOW THAT NEVER ENDS (1974)


Le titre a de quoi faire peur. Mais ne le laissez pas vous intimider. Derrière cette invitation pompeuse se cache l'un des albums live les plus impressionnant de toute la décennie 70 !!!
Le groupe, alors en tournée pour la promo de "Brain Salad Surgery" (1973), est alors à l'apogée de son art. Tout les morceaux sont bons. Tous ! Et même lorsqu'ils auraient pu s'avérer oubliables ("Jeremie Bender"...), leur interprétation les sauvent. L'effort de renouvellement par rapport au versions studio est par ailleurs à saluer. En témoigne "Tarkus", dans lequel se casent quelques couplets de "Epitath" de King Crimson, sorti à l'époque où Greg Lake y officiait encore.

L'album s'ouvre donc sur "Hoedown", toujours impressionnant en live, se poursuit sur Jerusalem (probablement la version la plus fidèlement retranscrite dans ce live). Puis vient la superbe adaptation de "Toccata" de Ginestera. En studio, c'était déjà impressionnant, mais alors là... ça défrise. De quoi convaincre les plus exigeants défenseurs du prog dit "complexe". "Tarkus", dans une version comportant sept minutes supplémentaires par rapport à la version studio, vient conclure le premier album. Comme de bien entendu, c'est un moment clé de ce live. La performance et l'adequation des trois musiciens est très impressionnante.
La deuxième partie (comprendre : le deuxième CD, bourré, comme le premier, jusqu'à la garde) est également génial. L'assemblage "Take A Pebble Pt. I / Still... You Turn Me On / Lucky Man" prend magnifiquement. Lake arrive a captiver le stade à la seule aide de sa guitare accoustique, et Emerson est toujours aussi excellent dans son solo de "Take A Pebble", décidément un superbe morceau. Mérite grandiose, avoir réussi à rendre captivant l'alliage "Jeremy Bender / The Sherif". Ce live titanesque (sans adaptation, une fois n'est pas coutume, de "Pictures At An Exhibition") se conclue sur la non moins titalesque suite "Karn Evil 9" dans son intégralité (35 min !), incroyable de maîtrise et d'inspiration, blindée elle aussi de variante avec la version originale (la guitare électrique de Lake y est bien plus présente).

Bref, s'il ne vous fallait qu'un seul album d'Emerson, Lake & Palmer, ça serait à coup sûr celui-ci !!!


EMERSON LAKE & POWELL (1986)


Bien des choses ont changé depuis "Welcome Back My Friends"... le groupe est passé par la douloureuse expérience des "Works", et la séparation en 1979. Et par la magie de quelque producteur fortuné, Emerson et Lake, dont les rapports sur "Love Beach" étaient pourtant comparables à ceux de Waters et Gilmour sur "The Final Cut", acceptent de retravailler ensemble. Problème : Palmer est parti fonder Asia avec John Wetton et Steve Howe, et brasse tellement de pognon avec cette formation que ça dernière envie est bien d'aller rejoindre un groupe totalement désavoué depuis bientôt dix ans, et ce malgré un démarrage aussi remarqué que brillant... Et c'est un drame. Car ELP, comme son nom l'indique, est l'association de Emerson, Lake, et... pour le coup ce sera le batteur Cozy Powell qui remplira la fonction du "P". Les deux autres plaident le concours de circonstance. On y croit.
Dés les premières notes de "The Score", on commence à être fixé. Le "heroes prog" dans les 70's c'était déjà pas réjouissant, alors dans les 80's... Vient ensuite "Learning To Fly", qui a la particularité de démarrer avec les mêmes notes d'intro que celui des Floyds, et d'être au moins aussi mauvais. "Touch & Go" est bien trop tubesque pour avoir vieillit correctement (paraît que ça a été un tube...), "Lay Down Your Guns" paraît jolie à la première écoute, et ne survit pas à la seconde, "Mars The Bringer Of War" plombe le tout... Il n'y a guère que "Step Inside", sorte de ballade new-yorkaise bourrée d'ambiance (malgré une interprétation plus que moyenne), que l'on puisse sauver du naufrage.
Bref un album hautement dispensable ! Et à l'écoute du jeu de batterie, on se dit que Powell n'avait vraiment comme mérite que de porter un nom commençant par la lettre "P"...


"BLACK MOON" (1992)


Il aura fallu quatorze ans pour les voir à nouveau réuni. Emerson, Lake & Palmer ressortent un album ! Enjoy !
Les fans sont très partagés au sujet de "Black Moon". Certains prônent le retour en force, d'autres un album raté. Je suis fan d'ELP, et j'appartiens très clairement à la seconde catégorie. Car s'il est des groupes a avoir brillammant (King Crimson), ou relativement bien (Genesis et Yes) passé le cap des années 80, il en est deux qui se sont pris la barrière en pleine tête : Gentle Giant et ELP. Mais Gentle Giant, grand bien lui fasse, n'a pas fait de come back. ELP s'y risque.
Le résultat est quand même plus nuancé que sur l'impardonnable "Emerson, Lake & Powell". Le morceau titre, qui ouvre l'album, est simplement dispensable. "Paper Blood", qui le suit, sans être inoubliable, possède une très belle énergie (cette fois ELP fait du pur rock), de même que les ballades lakiennes "Affairs Of The Heart" et "Footprints In The Snow" sont plutôt réussies.
Le reste, en revanche, est nettement moins bon, le sommet étant atteint avec "Changing States", détestable instrumental héroïque dont même la plus calamiteuse des séries de science fiction américaine n'aurait pas voulu pour son générique.
Et en parallèle, une perle. Une vraie perle. Un morceau magnifique : l'instrumental "Close To Home". Emerson est tout en retenue le temps d'une mini sonate subtile (alors que ce mot n'est vraiment pas à employer pour définir cet album), à la fois doux et enlevé. Magique, quoi...
"Black Moon" est donc un album aussi dispensable que son morceau titre, mais tâchez pas tous les moyens de vous procurer "Close To Home", un petit miracle.


IN THE HOT SEAT (1994)


L'excellent site de "Big Bang Magasine" s'est déjà fendu d'une critique d'une extrême justesse sur le sujet (http://www.bigbangmag.com/delp5.php), mais autant me faire violence, et chroniquer un peu plus "sérieusement" ce... truc.
Bon c'est dur à dire pour un fan du groupe mais cet album est une merde. Une vraie, une authentique. A côté de "In The Hot Seat", "Terminal Frost" et "Echoes" jouent dans la même cour. Emerson s'étant viandé en moto quelques semaines avant l'enregistrement, le piano sera déjà très en retrait. Déjà là, un vent de panique : ELP avec des claviers en retrait... vous imaginez les Stones sans Mick Jagger. Bref... Deuxième chose, Lake a quelques problèmes de voix. De quoi faire passer Renaud pour Pavarotti. Aïe... Troisième chose : Palmer s'est mis avec entrain à la batterie electronique... Mais merde à la fin ! J'ai payé un album d'Emerson Lake & Palmer, quoi, pas pour ça !
C'est mauvais. Mauvais, mauvais, mauvais. Le seul titre à sauver est "Daddy", car à peu près écoutable (heu... non en fait). "Heart On Ice" est un sommet de nullité pop. "Give Me A Reason To Stay" est probablement le pire titre de tout l'album, à croire que son titre était pleinement volontaire. Et enfin, la réadaptation de "Pictures At An Exhibition" sauce 90 est imbuvable.
On oublie directement.
"In The Hot Seat" sera probablement la dernière oeuvre du trio, et c'est bien dommage.



CARRIERE SOLO DE KEITH EMERSON

Je ne connais la carrière solo de Keith Emerson (qui commence en1979) que par morceaux épars (LimeWire ne peut pas faire de miracle). Tout cela est riche et varié. C'est dans les styles jazz et classique que le pianiste virtuose se sent assurément le plus à l'aise. On pense notamment aux brillants "Solitudinous" ou "B & W Blues" sur l'album "Emerson plays Emerson", ou à la magnifique bande originale du film "Inferno", vraiment prenante et recherchée (contrairement au film !)
On retrouve aussi des oeuvres bien plus moyennes, notamment dans la composition de musique de films, qu'il s'agisse de "Godzilla" ou du morceau "I'm A Man" issu de la Bo de "Nighthawks" avec Sylvester Stallone (hem). Mais de ce film - que je me dispenserai de voir malgré la présence au générique de ce musicien qui a toute mon admiration - on retiendra quand même l'instrumental-titre, tout en subtilité.

CARRIERE SOLO DE GREG LAKE

GREG LAKE (1981)


Ce premier album éponyme est un album très honnête. Il ne reste plus grand chose des délires progs d'ELP, mais l'ensemble tient le coup. Les morceaux les plus rock sont souvent les plus ratés, hélas, car trop basiques, qu'il s'agisse de "Nuclear Attack", ou de "Love You Too Much", pourtant co-écrit avec Bob Dylan. Mais l'album contient aussi de très belle chose. On ne boude pas son plaisir à l'écoute de "It Hurts", très réussie, à la composition fluide et aux accords très réussi, car correspodant d'avantage à la décennie suivante qu'à celle dans laquelle l'album s'inscrit. Greg Lake a remplacé la virtuosité pianistique d'Emerson par celle, guitaristique, de Gary Moore, et celui-ci se fend sur cette chanson d'un solo d'anthologie, que le guitariste de Claude Nougaro plagiera (inconsciemment ?) quelques années plus tard pour les besoin de Nougayork. A noter aussi la présence du très bon "Retribution Drive" et de "Long Goodbye". Et même si "The Lie" ou "Let Me Love You Once Before You Go" s'avèrent un peu trop pompeux, l'alchimie Lake/Moore a très bien pris.

MANOEUVRES (1983)


On prend les mêmes et on recommence. "Manoeuvres" est par bien des points comparables à l'album précédent, et on y trouve là encore de bons morceaux, parfois folkloriques ("Love Under Fire") ou d'un rock de la meilleure facture (le morceau titre).
Le jugement est le même que sur l'album précédent. Une moitié de bons morceaux, le reste oubliable... Le renouvellement n'a jamais été le fort de Greg Lake

IN CONCERT (1986)


Voilà l'album qu'il faut absolument garder de cette courte carrière solo avant que Lake ne s'en retourne vers un ELP dans lequel P signifie Powell. Son live en compagnie de son collègue et ami Gary Moore est un très bon album. Bien entendu, rien n'est parfait, et la présence dans la setlist de "Nuclear Attack" (dont l'intro est d'ailleurs, pour la circonstance, celle de "Karn Evil 9" : "Welcome back my friends...") ou de "Love You Too Much" est désappointante, mais les points de nostalgie de ce live, réguliers, lui apportent une crédibilité et une fraîcheur agréable. On sourit à l'écoute de la reprise du légendaire "You Really Got A Hold On Me" de Smokey Robinson, et on se laisse surprendre par les réadaptation de "21st Century Schizoid Man" et "In The Court Of King Crimson", preuve que Lake n'a jamais renié ses premiers pas. Sur le second morceau, la perpétuelle synchronisation de la voix avec la guitare est aussi rare qu'agréable.
Et puis il y a la réadaptation de "Lucky Man", excellente, et surtout celle de "Parisienne Walkways", où Gary Moore se fend de ce qui est, pour moi, le meilleur solo de toute sa carrière.
A posséder, même si le son est assez lourd, dans ce typique esprit des années 80.


CARRIERE SOLO DE CARL PALMER

ASIA (1982)


Etonnament, le plus grand succès solo post-ELPien revient à Carl Palmer. Number One aux USA en 1982 ! Définition d'un supergroupe : prenez des éléments de différents groupes confirmés (progs, en l'occurance), mettez-les ensemble, laissez cuire à feu doux et voyez ce que ça donne.
Prenez en l'occurance le batteur surdoué d'ELP, le non moins talentueux Steve How (ex-Yes), le chanteur John Wetton (ex-King Crimson - là ça fait mal) et vous aurez le résultat. Les règles du foot sont parfois les mêmes que celles du rock. Le Real Madrid concentre une impressionnante palette de stars du ballon mais ça ne donne rien sur le terrain parce qu'ils n'ont aucun feeling entre eux. Asia est le Real Madrid du rock. Un succès aussi bref que monumental sur les deux premiers albums (après lequel tout les membres s'en iront, Asia continuant avec d'autres)

Vous avez écouté "Heat For The Moment" ? Alors vous êtes fixés.
Un dictateur qui meurt... c'est une banque suisse qui ferme.

Fredouille

Merci pour tout.

Je viens de passer une bonne heure à lire cette page, tout en picorant à mesure les morceaux choisis d'ELP sur Deezer ainsi que sur mon disque dur.
J'ai été bercé par mes frères à ce qui, depuis, a orienté en grande partie mes goûts musicaux.

Et j'ai eu droit à tout ! Petit florilège :
The Doors, The Who, Deep Purple, Led Zep', mais aussi Supertramp, les Beatles, les Stones et... ELP.
Si, de tous les groupes précédents, j'ai retenu un grand nombre de tubes (comme tout un chacun né dans les années 70, je suppose), ELP m'a marqué au point de passer de nombreux mois à rechercher certains de leurs albums en CD.
Pardon aux puristes de ne pas parler de vinyle, j'ai succombé à la technologie et à son côté pratique et quasi-inusable. Par contre, Internet n'existant pas encore, il m'a fallu beaucoup de temps à courir les disquaires pour me procurer Trilogy, Pictures At An Exhibition et Brain Salad Surgery, que l'un de mes frères écoutait en boucle quand je marchais encore en culottes courtes.
J'ai lu récemment qu'ils avaient été en concurrence avec les Beatles lors de certains concerts (vrai ?). Pas question d'enlever leurs qualités populaires aux Scarabées, mais leurs compétences musicales sont tellement loin de celles d'ELP que je ne comprends toujours pas qu'il ait pu y avoir une quelconque concurrence entre eux...

Bref, loin de toute considération d'ordre technique, le plaisir de ré-entendre chez moi ELP l'a disputé ce soir à celui de lire cette page où j'ai (enfin !) trouvé d'autres adeptes de cette musique qui m'a longtemps valu le mépris de pas mal de mes contemporains. Me voilà donc rassuré, je n'écoute pas n'importe quoi !

Personnellement, Trilogy a ma faveur, que j'écoute en boucle en voiture comme à la maison, en me repassant sans arrêt certain solo, certaine intro, pour en mieux comprendre les nuances et ainsi en savourer toute la quintessence...

Encore merci d'avoir pu partager ces plaisirs avec vous (surtout toi, CD), je reviendrai sans doute vous lire. Continuez avec vos commentaires, passionnants...
Fred

P.S.

Oui, je sais, j'ai quelques années de retard pour tomber sur cette chronique !
Je cherchais justement des images de pochettes d'albums (les trois cités plus haut, ainsi que Tarkus), et je suis tombé ici par le plus grand des hasards.
Si ces mots restent lettre morte, ça n'est pas bien grave. J'aurai au moins pris un grand pied à lire toutes ces infos que je m'empresse, d'ailleurs, de transmettre à celui de mes frères qui fut et reste, comme moi, fan d'ELP...

martin

Marrant, de voir réapparaître ELP, je les avais presque oubliés... Pourtant, je me souviens bien de Trilogy, un de mes albums préférés en 1972-73... Ah ! The endless enigma ! Et from the beginning, avec la voix de Greg Lake !
Récemment, j'ai emprunté et écouté Tarkus, qui m'a semblé trop "daté".

Mais parmi les groupes de progressive, il n'y a guère que Yes qui a toujours mes faveurs, surtout des débuts à Relayer. Et aussi Foxtrot, de Genesis !

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