Meddle
Poussé par le frémissement de succès de Atom Heart Mother, Pink Floyd décida après une excellente série de concerts de vite retourner en studio pour expérimenter de nouvelles voies musicales extrêmement riches qui deviendront sa signature musicale. Le groupe s’arrêtera seulement pour choisir les titres qui apparaitront sur la compilation Relics. Meddle dans sa structure rappelle fortement Atom Heart Mother : une des faces du disque est un rassemblement de chansons, accompagné d’un petit instrumental, tandis que l’autre est tout simplement occupée entièrement par un nouveau morceau épique de 23 minutes. Meddle reste un des albums de Pink Floyd avec Dark Side of the Moon ou Wish You Were Here, où l’osmose entre les quatre membres du groupe est absolument impeccable, le groupe est ici bel et bien un groupe qui semble enfin s’être trouvé. Meddle est donc un grand album. Pourtant, en 1971, cela ne manquait pas, entre Pawn Hearts de Van Der Graaf Generator, Hunky Dory de David Bowie, Who’s Next des Who, Four Symbols de Led Zeppelin ou encore Tago Mago de Can : 1971 est une très bonne année pour la musique rock et Meddle en est une preuve !
Au hachoir
Du vent qui souffle, quelques accords de guitares basses, une rythmique implacable, c’est une introduction très forte que ce One Of These Days (le titre entier est One of these days, I’m gonna cut you into little pieces, soit « Un de ces quatre, je m’en vais te couper en petits dés ! »). Pink Floyd fait des effets sonores absolument remarquables, et des petites jams absolument spectaculaires. Le groupe revient ici à une certaine simplicité et à une grande fraicheur. Gilmour donne à son instrument une façon de s’exprimer plus que grandiose, et on y retrouve aussi un évènement historique vraiment incroyable : on entend NICK MASON CHANTER !!! Certes sa voix est déformée et il ne dit qu’une phrase sur le morceau, mais c’est bel et bien lui.
Édredon aérien...
Suivent deux titres issus d’une très bonne collaboration Gilmour (musique)/Waters (texte): A Pillow Of Winds (« Un coussin de vents »), un petit titre où la douce guitare et la voix suave de Gilmour, ainsi que les paroles de Waters évoquent le….. repos ! (« Un nuage de duvet se dessine autour de moi, adoucissant les sons. C’est l’heure de dormir quand je m’étend avec mon amour à coté de moi. Elle respire lentement. Et la bougie s’éteint… » / « Maintenant les cygnes dorment et s’éveille le hibou. Tu vis un rêve et l’instant d’après il est parti. Champs verdoyants, une pluie froide. Tombe dans une aube dorée »).
...et sans reproche
Après l’intro tonitruante qu’est One of These Days, A Pillow Of Winds apparait ici comme un véritable moment de détente prolongé par Fearless (« Sans peur »), une sorte de blues dans un style assez proche de…. Led Zeppelin ! Les paroles étranges de Waters soulignent une fois de plus son talent de parolier (« Courageusement, l’idiot fît face à la foule en souriant. L’impitoyable magistrat tourne en rond, en fronçant les sourcils. Qui est le fou qui porte le chapeau ? »), le tout sur un ton humoristique avec en fond sonore les supporters de Liverpool chantant leur fameux You’ll Never Walk Alone. Comme quoi, à une certaine époque, Waters avait le sens de l’humour….
Saint-Trop'
San Tropez de Waters fait partie des perles séduisantes de cet album avec son beat jazzy, sa guitare, son piano, son rythme chaloupé et sensuel.
Dog blues
La composition collective qui suit est moins intéressante par contre, Seamus où le guitariste fait un duo avec un chien (Seamus) qui ne fait qu’aboyer fait un peu tâche. C’est surtout une petite farce de deux minutes qui sert à faire entrer l’auditeur dans le MONUMENT qui va suivre.
Des histoires d'albatros et de grottes de corail
Il y a tant de grands morceaux de rock progressif (Lizard de King Crimson, A Plagues Of Lighthouse Keepers de Van Der Graaf Generator), on pourrait citer également cette symphonie de rock « planant » de 23 minutes qu’est Echoes (« Échos »). Pink Floyd a toujours fait des morceaux longs, mais certains n’étaient pas sans faiblesse (comme A Saucerful of Secrets ou Atom Heart Mother), Echoes est un chef-d’œuvre de la première à la dernière note, une épopée incroyable d’une plénitude totale, débutant par cette touche de piano crispante entourée de plusieurs notes de claviers, jusqu’à l’arrivée de la guitare très « bluesy » de Gilmour qui nous berce tendrement, les paroles passent à la fois de l’émerveillement du monde sous-marin (« Immobile, l’albatros surplombe les airs. Et au creux des vagues déferlantes. Dans les dédales des récifs de corail. L’écho d’une marée lointaine. Résonne à travers le sable. Et tout est verdoyant, sous-marin ») à l’infini spatial, comment ne peut on pas être surpris par ces cris d’oiseaux qui viennent donner du relief à l’orgue de Wright, à ces jams extravagantes, à cette guitare à la fois légère et surpuissante ?
Plus qu’un simple morceau, Echoes est un univers sonore à lui tout seul, plongeant l’auditeur dans un monde dans lequel se mélangent rêves féeriques et cauchemars sinistres. Se débarrassant des maladresses de A Saucerful of Secrets et des lourdeurs de Atom Heart Mother, Pink Floyd nous signe ici un morceau d’une grande cohérence et d’une grande profondeur, peut-être la meilleure chose que Pink Floyd ait composé dans sa carrière.
Plénitude et équilibre
Meddle c’est donc un groupe qui se trouve, des musiciens qui savent enfin qui ils sont, qui ont enfin trouvé une identité qui sera leur marque de fabrique pendant plusieurs années (même si le grand succès ne viendra qu’en 1973). Pink Floyd entre dans une nouvelle période, les membres sont chacun bien à sa place et apportent tous des éléments riches au son Pink Floyd. La musique, ici, ne tourne jamais en rond, elle progresse, déséquilibre l’auditeur à partir des premiers titres pour arriver enfin au zénith qu’est l’homérique final de 23 minutes intitulé Echoes. Meddle est un des albums les plus importants et les plus riches du groupe, et ce n’est pas pour rien !
Auteur de la page :
MP.