Astronomy Dominé
(Auteur : Syd Barrett)
Astronomy Dominé est, dans le répertoire scénique de Pink Floyd, la seule pièce signée par Syd Barrett seul à survivre durablement à son départ. Par son inspiration ainsi que sa structure, elle porte en elle un très riche potentiel et annonce déjà les longues compositions du début des années 70.
Un titre bizarroïde
Cette pièce semble apparaître dans les prestations scéniques du groupe dès l’automne 1966 et figurera en ouverture de son premier album The Piper At The Gates Of Dawn (« le flutiste aux portes de l’aube ») sorti le 5 août 1967. Remarquablement construit et structuré, Astronomy ne laisse en rien présager de la dégradation de la santé mentale qui va bientôt frapper son auteur, si ce n’est, à la rigueur, dans son titre lui-même. En effet, si « astronomy » appartient à l’anglais et se traduit sans peine, « dominé », avec un accent aigu please, appartient au latin et signifie « maître» au vocatif (interpellation). Allez donc trouver une traduction cohérente avec cela ! La prononciation de ce « dominé » pose problème, bien sûr. « Domaïni » à l’anglaise ou « Dominé » à la française ? Présentant parfois le morceau en concert, Waters ou Gilmour donnent eux-mêmes la réponse : c’est la seconde option.
Mais ce genre de construction intellectuelle délirante n’est pas le propre de Barrett, ni même de la pop-music dite « psychédélique ». On en trouverait maints exemples chez certains poètes du XIXe ainsi bien sûr que chez les surréalistes.
Un mini-space-opera de l'étrangeté
Astronomy Dominé est un mini-space-opera d’un peu plus de quatre minutes. On peut y distinguer grossièrement trois parties. Après une intro où une voix nasillarde parle dans un haut-parleur, comme une liaison depuis un satellite, rejointe puis couverte par des bip-bip d’orgue suivis par la rythmique, la première partie expose le thème chanté dans une sorte de mélopée frénétique à la mélodie très simple à caractère incantatoire. La deuxième partie s’ouvre sur un orgue et une guitare qui dépeignent clairement une ambiance spatiale ou abyssale, et continue par la mélopée reprise en instrumental dominé par une guitare très flamboyante. La troisième partie voit revenir le chant incantatoire de la première partie, ou plutôt son prolongement, avec l’emploi d’onomatopées (« blam pow pow »).
Les paroles évoquent de mystérieux combats dans une ambiance étrange de « vert citron limpide », dont « le son résonne dans les eaux souterraines glacées », et le sentiment de sourde menace que peuvent susciter les planètes lointaines et leurs satellites : Jupiter, Neptune, Miranda, Oberon, Titania…, ces deux derniers reliant ainsi les délires de Barrett à ceux d’un certain Shakespeare, du Songe d’une nuit d’été duquel ils sont des personnages. L’ensemble du morceau est joué, c’est notable, sur un rythme ternaire, quelque part entre un blues et une valse (voire une bourrée !).
Les paroles et leur traduction sont là.
L'évolution d'Astronomy Dominé
Du temps de Barrett, le morceau recevra quelques modifications mineures, notamment dans l’interprétation de la troisième partie. Mais c’est surtout avec Gilmour que Astronomy grandira pour s’étendre jusqu’à près de dix minutes. Un vibrato d’orgue remplacera la voix nasillarde de l’intro, le premier « couplet », si l’on peut appeler cela ainsi, sera chanté deux fois, et la partie instrumentale centrale sera elle-même scindée en deux parties. En fait, cette dernière sera prolongée d’une improvisation sur le thème principal à l’orgue quasiment seul, dans un climat très éthéré. Sous cette forme, le morceau ne changera plus guère, et la version présentée dans Ummagumma en est assez représentative. Parfois, au cours de l’année 1970 surtout, Astronomy Dominé est enchaîné directement sur Grantchester Meadows, histoire de jouer les contrastes en passant directement de la bucolique campagne britannique à l’éther flamboyant de Barrett.
Astronomy Dominé sera joué jusqu’en juin 1971, alors que Pink Floyd commence à présenter sur scène Echoes. Le titre sera repris sous une forme proche de sa version d’origine lors de la tournée de 1994, et figurera sur l’album double P.U.L.S.E. qui la suivra. L’on peut y voir la volonté de Gilmour de procurer, grâce aux droits d’auteur, quelques revenus à son vieil ami Barrett, presque 30 ans après la création de ce morceau emblématique .
Discographie
Bien sûr, Astronomy Dominé figure sur le premier album de Pink Floyd, The Piper at the Gates of Dawn en 1967, puis sur l’album en public d’Ummagumma en 1969, dont, très significativement, il ouvre les premières faces, comme il ouvre le premier CD de la compilation Echoes, sortie fin 2001. Il se trouve aussi sur l’album en public P.U.L.S.E. de 1995, où, tout aussi significativement, il figure en seconde position, juste derrière Shine On You Crazy Diamond, lui-même réputé être un hommage à Syd Barrett. Une manière d’enfoncer le clou, en quelque sorte, et de rendre à César ce qui est à Jules…
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Blue Berry.